"La sale gueule du travail !"
par
les pauvres les travailleurs ne voient pas ces choses
leur soleil c’est la soif la poussière la sueur le goudron
et s’ils travaillent en plein soleil le travail leur cache le soleil
leur soleil c’est l’insolation
et le clair de lune pour les travailleurs de nuit
c’est la bronchite la pharmacie les emmerdements les ennuis
et quand le travailleur s’endort il est bercé par l’insomnie
et quand son réveil le réveille
il trouve chaque jour devant son lit
la sale gueule du travail
qui ricane qui se fout de lui"
Le paysage changeur, Prévert. [extrait]
"La sale gueule du travail"
L’emploi est à la mode ! A la mode de l’emploi précaire !
L’emploi précaire, c’est les congés non payés (chômage), la RTT contrainte et non rémunérée (temps partiels), la retraite sans pension et avant l’heure (interdiction du Rmi aux moins de 25 ans).
La précarité de l’emploi, c’est le travail sous contrôle. Chômeurs et fainéants (ceux qui refusent la production débile, les salaires de misère et l’exploitation) sont “ accompagnés ” dans le cortège des contrats pourris - contrats d’avenir, contrats d’insertion, RMA, contrats tremplin - Derrière les paillettes du “ suivi personnalisé ” : contrôle, revenus en chute libre, subventions aux employeurs ; emploi forcé et salaires en miettes.
Et pour les salariés “ classiques ” (non précaires ?), c’est la peur entretenue du licenciement, ou du non-renouvellement de poste.
L’emploi précaire ne garantit plus le salaire. Le SMIC n’est plus mensuel, il est “ horaire ”. La flexibilité, c’est le bénévolat du temps d’astreinte, de chômage. Et c’est la rémunération calculée selon le planning de l’employeur.
L’emploi précaire explose. La France compte probablement près de 10 millions de précaires. Plus d’un million et demi de travailleurs pauvres (20% sont “ pourtant ” en CDI) vivent avec moins de 557 euros par mois. Près de 3 SDF sur 10 ont un emploi. A l’échelle européenne, les précaires constituent 17% de la population.
On parle de minima sociaux ! Comme si le social c’était un minimum ! On dit “ minima sociaux ” pour ne pas dire “ maxima patronaux ”.
RMI, ASS, allocs chômages et autres système de solidarité sont vus comme un coà »t. On préfère les dîners caritatifs (bonne conscience), où on discute du démantèlement de la solidarité. Les architectes de la nouvelle donne du travail s’amusent à communiquer dans leur novlangue. Ils disent : “ activation des dépenses passives ” pour ne pas dire : travail forcé ; ils revendiquent la “ baisse du chômage ”, pour masquer les radiations ANPE ; ils soutiennent la “professionnalisation des jeunes ”, au lieu de parler de stages en entreprise non-payés ; ils autorisent les expulsions des “ mauvais ” locataires, et se mettent en deuil le jour où un immeuble flambe à Paris.
Le plein-emploi d’antan, ce “ paradis ” perdu que quelques nostalgiques aspirent à retrouver n’est plus. Devons-nous regretter ce temps où il nous fallait trimer à vie pour gagner sa retraite (et mourir sans en profiter) ?
Aujourd’hui, les différents temps de vie deviennent des sources d’enrichissement pour l’entreprise. Nos “ loisirs ” devenus biens de consommation (culturels ?) se vendent en publicité sur nos temps de “ cerveau disponible ”. Découverts bancaires, crédits à taux usuriers, même la misère de nos revenus engraisse les banques.
A chaque fois que le chômage augmente, en dehors de la recherche éternelle de boucs-émissaire, on nous rabâche le refrain du pouvoir d’achat et de la consommation pour arriver au plein emploi. Certes tout le monde à besoin d’un revenu pour vivre. Mais vivre ? Ca veut dire quoi ? Est-ce que vivre ça veut dire consommer à perte d’horizon parce que la consommation relancerait la production et donc l’emploi ? Mais toute production est-elle souhaitable ? Tout emploi est-il enviable ? Ne sommes-nous pas à une période de l’histoire où la main-d’Å“uvre humaine est moins nécessaire qu’autrefois et où justement on devrait se réjouir de se libérer de contraintes ? La vie n’est-elle qu’un cercle vicieux : se former/formater pour pouvoir travailler afin de consommer, pour que tout le monde puisse (travailler et) se payer sa deuxième bagnole, le frigo américain et des vacances en club de vacances dans des îles paradisiaques et ça jusqu’à l’âge de la retraite où on sera tellement épuisé qu’on en profitera même pas ? Surtout que, d’ici-là , la retraite aura, elle aussi, disparu. C’est maintenant qu’il faut profiter de la vie.
Nous sommes sommés d’être de plus en plus disponibles. Il nous faut nous former pour être plus productifs, accepter de maigres salaires pour rester compétitifs, tutoyer son patron et accepter de revenir dimanche terminer son sale boulot.
Que faire ?
Sans doute déjà se débarrasser des mythes qui nous empoisonnent l’existence : que la croissance est nécessaire (n’oublions pas que la terre est une surface finie), que le travail/emploi est une nécessité, qu’un chômeurs est un fainéant, que l’étranger nous pique notre boulot,...
Peut-être construire des niches de solidarité, d’entraide, d’échange. Entre nous.
Produire nous mêmes, et pour nous, des espaces où nous pourrions vivre en collectif. Non plus les uns contre les autres. Peut-être aussi, batailler pour négocier de nouveaux droits sociaux qui correspondent aux réalités d’aujourd’hui.
Parce que nous refusons que le droit à la vie ne s’achète qu’à la sueur de son front.
Il n’y a pas de programme préétabli, il y a tout à (ré)inventer.
A nous de faire.
Avec ou sans-emploi, avec ou sans-papier, un revenu c’est un dà ».
Logement, titre de séjour : arrêt de toutes les formes d’expulsions
35 heures c’est 40 heures de trop !
"(...) une dernière fois le capital voudra les empêcher de rire
ils le tueront
et ils l’ enterreront dans la terre sous le paysage de misère
et le paysage de misère de profits de poussières et de charbon
ils le brà »leront
ils le raseront
et ils en fabriqueront un autre en chantant
un paysage tout nouveau tout beau
un vrai paysage tout vivant
ils feront beaucoup de choses avec le soleil
et même ils changeront l’hiver en printemps."
Le paysage changeur, Prévert. [extrait]