Femmes, chômage et autonomie, des droits sociaux pour abolir la précarité et le patriarcat.

Odile Merckling

Editions Syllepse, 2023

C’est d’observation courante, mais c’est en encore mieux en le disant : « La population travaillant en contrats courts est principalement constituée de femmes. Les femmes sont également majoritaires dans les temps partiels, les bas salaires. »

Sur cette lancée, Odile Merckling de continuer en critiquant l’agencement sexué de Monsieur gagne-pain et de Madame apportant le salaire complémentaire, quand elle n’est pas requise ou (im)mobilisée comme femme au foyer.

Ce partage des rôles sociaux, s’il perdure, est, de fait, devenu minoritaire.

Contrôles et radiations

Nous est donné un panorama, celui de l’effondrement de l’indemnisation du chômage depuis 1974, époque où il suffisait de trois mois de travail pour toucher des allocations « longues durées » aujourd’hui inaccessibles.

De ces économies sur les allocations, les femmes sont encore principales victimes. C’est un fait.

Un encadré p.47 nous donne à lire le mode de calcul de l’allocation journalière (AJ), telle qu’elle a été comprimée avec les nouvelles (et perverses) modalités de calcul.

Les contrôles de la recherche d’emploi (RE), comme les enquêtes extrêmement intrusives de la CAF sont examinés et dénoncés p.84. Une accélération des radiations est également judicieusement notée.

Le revenu garanti comme investissement

L’autrice se réfère à André Gorz (p.177) pour préconiser une réduction massive du temps de travail (les 32 h hebdo, comme première étape) et la création d’un revenu garanti (un minimum aux alentours du Smic). Ce revenu garanti, n’est pas, me semble-t-il, le revenu de base selon les modalités du Mouvement Français pour un Revenu de base (MFRB). C’est en 1997, avec la publication de « Misères du présent, Richesse du possible » (1997) qu’André Gorz se rallia au revenu garanti (Smic pour les privés d’emploi). Le mouvement AC !, depuis plusieurs décennies, défend aussi un revenu garanti au Smic minimum. Parmi les militantes d’AC !, Odile fut repérée comme l’une des plus actives.

La page 185, explicite quelque peu sa position.

Le revenu garanti, s’il advient, soit être considéré non comme une dépense, mais comme un investissement pour une transformation sociale. Et renouant avec la fonction utopique d’André Gorz, nous pouvons lire p. 185.

« Un revenu minimum garanti pourrait s’inscrire dans un logique d’extension de la partie non marchande de l’économie dont les effets seraient bénéfiques pour l’ensemble de la société. La réduction du temps de travail sans perte de salaires pourrait être accompagné,de créations d’emplois massives dans les associations, les services publics de proximité... »

Perspectives souhaitables qui ne vont pas dans le sens de l’orientation « néo-thatcherienne » de Madame Borne... Tout ce qui est féminin, n’est pas automatiquement bienfaisant…

Fin du travail ?

Odile Merckling, ne fait pas sienne les théories sur « la fin du travail », c’est plusieurs fois explicite dans l’ouvrage. Pourtant, nous pouvons lire p. 180 :

« La productivité du travail ayant très fortement augmenté depuis 50 ans, cela pourrait permettre de diminuer drastiquement le temps de travail « contraint » [hétéronome dans les termes d’André Gorz] au profit d’activités autonomes… respectueuses de « l’humain et de l’environnement. »

En tenant compte des promesses et /ou des menaces de la production cybernétique, de l’automatisation des tâches même de haut niveau, les performances stupéfiantes de l’intelligence artificielle (IA), les capacités « cognitives » (?!) du Chatgpt, c’est le travail productif lui-même qu’il va falloir réévaluer. Cette réévaluation n’est pas directement abordée dans le livre.

La productivité va exploser, le processus est en cours, c’est bien le travail lui-même qui est en voie de disparition. Les modalités de son instrumentalisation par le capitalisme (salariat) sont également ébranlées… La perpétuation éventuelle fera appel, le cas échéant, à une grande violence. Le réarmement est en cours...

Dans la nécessaire bagarre qui se profile, les femmes, il est vrai, auront un rôle crucial à jouer. La ploutocratie globalisée aura, davantage encore, les moyens de s’offrir une abondante domesticité salariée. Qui sera majoritairement féminine.

Pour sauver l’idéologie du travail il nous faut refuser l’emploi à tout prix, nous prévient l’autrice p. 201.

« ... le compromis, pour les femmes des classes aisées, à déléguer le travail reproductif à des femmes venant des pays du sud, tout en acceptant une dévalorisation de ce travail. »

Avertissement judicieusement formulé.

Pour compléter cette présentation rapide, une lecture attentive est conseillée, vous en apprendrez davantage sur les analyses de l’autrice.

Alain Véronèse.