Constitué autour d’un appel lancé en octobre 1993 par des syndicalistes et militants associatifs, Agir ensemble contre le Chômage s’est fait connaître par les « marches contre le chômage » qui durant plusieurs semaines organisèrent la convergence sur Paris. A l’arrivée, plus de 30 000 personnes défilèrent au printemps 1994 contre le chômage, la misère et les exclusions.

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En liaison avec d’autres réseaux de précaires de l’hexagone et en Europe, le réseau des collectifs d’AC ! poursuit ses actions pour la défense des droits des chômeurs et des précaires :
- Droit à un revenu personnel et décent, pour toutes et tous, et la continuité des droits sociaux CONTRE la précarisation des droits.

- le Livret de synthèse et de propositions issu du forum : "Un revenu et des droits pour exister !"

- Le livre "Pour une sécurité sociale chômage", aux Editions Syllepse  : [http://www.ac-chomage.org/spip.php?article2445]


vendredi 8 novembre 2024
par  Merckling Odile

Assurance chômage. Perspectives pour une réelle égalité hommes-femmes

Les femmes ont obtenu pour la plupart, après 1945, des droits sociaux dérivés de ceux du conjoint. L’accès à l’autonomie et la constitution de droits propres a, depuis lors, rencontré des limites, car beaucoup sont dans l’emploi précaire. Les récentes réformes de l’assurance chômage et des minima sociaux constituent une nouvelle atteinte grave à leur autonomie.

Assurance chômage

Quelles perspectives pour une réelle égalité

entre les femmes et les hommes ?

par Odile Merckling *

L’activité et l’emploi des femmes ont très fortement augmenté depuis les années 1960 ; cependant, beaucoup de femmes sont reléguées dans l’emploi précaire, à temps partiel et bas salaires. Leur travail – pourtant essentiel à la société – reste invisible et très mal rémunéré, comparativement à celui des hommes. Les nouvelles technologies, l’automatisation, l’économie numérique, ne font qu’aggraver encore cette situation, avec comme conséquences un émiettement des emplois, l’ubérisation, l’extension de la sous-traitance, des faux indépendant.es et de la multi-activité.

Le système de sécurité sociale en France avait été construit, après 1945, sur la norme de l’emploi stable à temps complet, avec un financement par des cotisations fondées sur le travail, un mode de gestion au départ majoritairement par des représentants des salarié.es, ce qui a permis la mise en œuvre de solidarités. L’assurance chômage a été créée, à partir de 1958, sur la base d’un principe de contributivité assez strict et d’un mode de gestion paritaire, qui s’est révélé en réalité favorable au patronat. Les mécanismes de solidarité envers les catégories sociales défavorisées sont restés, dans ce cadre, plus limités.

Les femmes ont obtenu pour la plupart, après 1945, des droits sociaux dérivés de ceux du conjoint, en matière de retraite et de couverture maladie. La constitution de « droits propres » a, depuis lors, en dépit de l’augmentation de leurs taux d’emploi, rencontré des limites. Par exemple, il n’existe pas d’allocation d’insertion pour les personnes n’ayant jamais travaillé ou les femmes ayant élevé des enfants pendant plusieurs années. Même pour les chômeur.ses indemnisé.es, l’assurance chômage n’assure pas un revenu de remplacement décent, car il n’existe pas de montant minimal de l’allocation journalière ou mensuelle. Les personnes ayant travaillé à temps partiel voient, depuis les années 1990, leurs allocations calculées en stricte proportion de la quotité de temps partiel ; ce qui revient à faire comme si elles étaient responsables de leurs faibles horaires de travail.

Les récentes réformes de la protection sociale et de l’assurance chômage constituent une nouvelle atteinte grave à l’autonomie des femmes.

La réforme de l’assurance chômage de 2019 (la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 05/09/2018, les décrets n°2019-797 du 26/07/2019 et n°2021-1251 du 29/09/2021) que le gouvernement Macron a fait passer en force, à la faveur d’une petite amélioration de la situation économique, est venue aggraver cette situation. Les personnes qui travaillent en emploi discontinu (dont 60 % de femmes) sont particulièrement ciblées par cette réforme, qui a durci les conditions d’ouverture de droits aux allocations chômage (6 mois de travail sur 24 mois désormais nécessaires, au lieu de 4 mois sur 28 mois) et a modifié à la baisse le mode de calcul du montant des allocations. Ces personnes voient à présent leurs allocations réduites en fonction d’un « coefficient d’intensité de travail », selon le nombre de jours travaillés durant une période de référence.

Un revenu de remplacement décent en cas de chômage n’existe plus, en réalité, que pour les ex-salarié.es qui ont connu l’emploi de longue durée à temps plein. Le régime d’assurance chômage n’indemnisait avant la réforme, que 43 % des demandeur.ses d’emploi inscrit.es ; il en indemnise désormais moins de 40 %. Les indemnités de chômage étaient d’un montant mensuel net moyen de 955 € – les femmes touchant 22 % en moins par rapport aux hommes. Ces indemnités se sont retrouvées abaissées en moyenne de 17 % pour plus d’un million de chômeur.ses, et jusqu’à 40 % pour une partie d’entre eux.

Le chômage contribue à la ségrégation des emplois entre les femmes et les hommes, à renforcer la séparation entre les activités de production et de reproduction (mise en évidence par les travaux de chercheuses féministes comme Christine Delphy, Sylvia Federici) et à (re)naturaliser la division du travail sexuée. Les réformes successives de l’Assurance chômage vont aggraver encore la dévalorisation des emplois féminins, les inégalités de salaires et de carrière, en contraignant de nombreuses femmes (et en premier lieu celles en famille monoparentale) à reprendre rapidement un emploi de faible qualité. Le libre choix des activités n’existe plus. L’accès à la formation professionnelle étant plus difficile pour les femmes, l’écourtement des durées d’indemnisation par la nouvelle réforme appliquée depuis le 01/02/2023, réduit encore dans de nombreux cas les durées des formations envisageables.

D’autre part, depuis les années 1980, un dualisme de la protection sociale, a été instauré, avec le développement d’une aide sociale fiscalisée et « familialisée » – autrement dit, attribuée en fonction de la situation familiale et de l’ensemble des ressources du foyer.

Or aujourd’hui, sur 7,6 millions de personnes inscrites à France travail ou dans le dispositif du RSA, seulement les deux tiers de ces personnes peuvent bénéficier d’une allocation. Un tiers d’entre elles (2,6 millions) touchent une allocation de retour à l’emploi versée par France Travail ; 2,5 millions sont bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) ou de l’ASS (allocation de solidarité spécifique) soit moins d’un demi-Smic pour une personne vivant seule.

Etant donné la dernière réforme de l’assurance chômage de 2023, qui a écourté d’un quart la durée possible des allocations, des centaines de milliers de personnes supplémentaires se retrouvent actuellement aux minima sociaux ou sans droit à des allocations. La réforme 2024, qui devait encore durcir la situation, a finalement été retirée par le gouvernement Barnier.

La loi n°2023-1196 du 18/12/2023 pour le plein emploi a instauré, pour tous les bénéficiaires du Rsa à compter du 01/01/2025, une obligation d’inscription à France Travail dans le cadre d’un « contrat d’engagement » impliquant une durée hebdomadaire d’activité d’au moins 15 heures (éventuellement modulable en fonction de l’état de santé ou des difficultés sociales), sous peine de sanctions. Les contrôles et les sanctions ont été démultipliés ; les modalités de contrôle étant de plus en plus souvent dématérialisées. Les personnes de moins de 25 ans, qui avaient été exclues du Rmi, puis (après 2009) du Rsa, sont à présent incluses dans ce dispositif du Rsa conditionné à des heures de travail. Pour autant, un réel accompagnement ne peut leur être assuré, faute de moyens suffisants.

Le refus d’attribuer les allocations de minima sociaux sur des critères individuels (à l’exception de l’Allocation pour les adultes handicapés récemment dé-conjugalisée) enferme des centaines de milliers de femmes et de jeunes dans la dépendance familiale. Les violences familiales et au travail n’ont fait que redoubler depuis quelques années.

Les droits sociaux familialisés restent ainsi, en dépit de la pression à travailler, au fondement de la protection sociale. Ceci contribue à préserver un modèle familial traditionnel au service de l’ordre patriarcal, qui oblige les femmes à fournir un travail domestique non rémunéré. L’accès des femmes à une réelle autonomie serait un élément favorable à l’émancipation de la classe laborieuse et à l’affirmation d’un nouveau type de familles, non fondé sur la domination masculine et sur la répartition traditionnelle des rôles genrés.

Depuis plusieurs années, des groupes de femmes (assistantes maternelles, intermittentes du spectacle, salariées à l’emploi discontinu, guides interprètes conférencières, pigistes, vacataires du secteur public…) ont participé aux luttes contre les réformes de l’assurance chômage. Les revendications sont celles d’une indemnisation à un niveau décent de toutes les formes de chômage, d’un nouveau modèle d’indemnisation adapté aux réalités de l’emploi discontinu, d’une continuité des droits sociaux par-delà la discontinuité de l’emploi et d’un droit au cumul d’un revenu d’activité et d’allocations chômage.

La lutte, commune aux femmes et aux hommes, en faveur d’une véritable Sécurité sociale chômage, vise notamment à instaurer un nouveau système fondé sur la solidarité interprofessionnelle et entre catégories sociales. Les effets de redistribution d’un tel système pourraient être bénéfiques aux plus précaires, en majorité des femmes et des jeunes.

La création de valeur ne peut plus aujourd’hui être imputée aux seules activités de production orientées vers le marché ; tous les individus, femmes ou hommes, peuvent y contribuer, si on leur en donne les moyens. Cela ne devrait pas être considéré comme un « coût » pour la société, dans la mesure où cela aurait des effets positifs pour l’ensemble de l’économie (le niveau du revenu national et celui de la consommation), le niveau d’éducation et l’état de santé de la population, la préservation des liens sociaux et familiaux.

Un statut de vie sociale, professionnelle et citoyenne pourrait ainsi comprendre, outre un revenu minimum garanti individualisé, un ensemble de mesures visant au partage du travail entre toutes et tous et au décloisonnement entre les sphères de la production et de la reproduction. Il pourrait être adossé à un système de sécurité sociale universel ; les parcours des femmes – qui intègrent les nécessités de la reproduction – étant placés au cœur de la définition de ce système. Il suppose la reconnaissance de droits universels et individuels partiellement déconnectés de l’emploi, avec notamment un revenu de remplacement décent dans tous les cas de non-emploi, un élargissement des possibilités de congés familiaux et de congés de formation bien rémunérés.

Paris le 6 novembre 2024

Odile Merckling, membre du Collectif national pour les droits des femmes

Auteure de Femmes, chômage et autonomie. Des droits sociaux pour abolir la précarité et le patriarcat, Syllepse, 2023



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